Nous avons déjà traité sur ce blog un certain nombre de fois des projets de modifications du DPE qui sont en cours : ici, là et là.
Comme nos lecteurs les plus assidus l’ont bien compris, ce qui est prévu répond à nos attentes sur certains points, mais ne nous convient pas complètement, c’est le moins qu’on puisse dire. Nous allons donc ici présenter les mesures qui selon nous seraient de bonnes idées.
Pour rappel, et en simplifiant, l’objectif de toutes les législations à venir sur le DPE est de diminuer la consommation d’énergie des logements. Pour ce faire, deux sous-objectifs ont été définis :
- Améliorer la fiabilité du DPE, pour mieux identifier les logements dont les performances sont médiocres, et donc les propriétaires qui doivent effectuer des travaux d’amélioration de ces performances
- Pouvoir contraindre ces mêmes propriétaires à faire des travaux
Les évolutions envisagées pour le DPE
Pour le premier de ces deux sous-objectifs, à savoir améliorer la fiabilité du DPE, le gouvernement a prévu deux mesures :
- Mesure 1 : Faire disparaitre les DPE dits vierges. Pour mieux comprendre de quoi il s’agit, vous pouvez vous référer à notre article sur les DPE vierges. La réglementation actuelle implique que dans certains cas, le résultat du DPE est dit vierge, et n’indique pas la fameuse note de A à G. Dans ce cas, impossible de se servir de ce document pour savoir si le logement en question est performant ou non du point du vue énergétique. Avec les mesures à venir, c’en est fini : tout le monde aura une note, et c’est tant mieux !
- Mesure 2 : rendre le DPE opposable. Qu’est-ce que cela veut dire ? Tout simplement que si le DPE du logement que vous avez acheté s’avère erroné, avec une note éloignée de la réalité, vous pourrez vous retourner contre le diagnostiqueur immobilier qui l’a établi, et demander des dédommagements. Ce n’était pas le cas jusqu’à présent, sauf dans certains cas très spécifiques. L’objectif ici est de rendre le DPE fiable en incitant fortement les diagnostiqueurs immobiliers à faire attention à ce qu’ils font.
Pour le deuxième sous-objectif, le gouvernement entend contraindre les propriétaires de passoires thermiques (logements notés F ou G) à y faire des travaux grâce à la mise en place d’obligations progressives :
- A partir de 2022, une note de F ou G attribuée à un logement obligera son propriétaire à y faire réaliser un audit énergétique. Cela consiste en une étude thermique plus poussée qu’un DPE, qui doit permettre de connaître les travaux d’amélioration possibles, leur coût et les économies qu’on peut en attendre.
- A partir de 2028, une note de F ou G obligera tout simplement le propriétaire à réaliser les travaux permettant d’amener cette note à E au plus. 2028 c’est certes demain, mais c’est aussi dans deux élections présidentielles, on peut donc douter que cette mesure restera aussi drastique d’ici là.
Quoi qu’il advienne de la très effrayante échéance de 2028 de ce projet, nous avons indiqué dans un précédent article pourquoi nous doutions de son efficacité : il est fort probable que beaucoup de diagnostiqueurs immobiliers cèderont aux pressions qu’ils subiront pour ne pas mettre les notes de F ou G, faisant ainsi disparaître l’ensemble des passoires thermiques de France en un claquement de doigt ! D’autres que nous s’en inquiètent également, même s’ils le font dans des termes un peu plus voilés.
Nos propositions pour améliorer le Diagnostic de Performance Energétique
C’est bien de critiquer, mais c’est mieux de proposer ! Nous avons régulièrement reproché dans ce blog à l’UFC Que Choisir de s’attaquer de manière aussi virulente aux diagnostiqueurs qui manquent de rigueur dans leurs DPE, sans jamais se mettre à leur place. Ne tombons donc pas dans le même travers.
Tout d’abord, fiabiliser le DPE c’est bien, et les deux mesures prévues (faire disparaître les DPE vierges et rendre le DPE opposable) nous semblent bienvenues.
En revanche, sur les formules envisagées pour contraindre les propriétaires à des travaux, nous sommes beaucoup plus dubitatifs. Comme expliqué plus haut, un fort risque existe que ces contraintes viennent contrebalancer les efforts faits pour fiabiliser le DPE, et aboutissent à des notes artificiellement améliorées.
Nous proposons donc de scinder en deux le dossier fourni aux propriétaires à l’issu d’un diagnostic de performance énergétique :
- D’une part, le DPE actuel, comprenant les mêmes informations, mais fiabilisé grâce aux quelques mesures envisagées à cette fin
- D’autre part, un descriptif des caractéristiques du bien, dont des obligations de travaux pourraient découler
C’est cette deuxième partie qui constituerait une nouveauté, et nous imaginons qu’elle pourrait fonctionner de la manière suivante.
Lors de la visite du diagnostiqueur immobilier en vue de l’établissement d’un DPE, celui-ci relèverait des informations sur les équipements du logement, en fonction d’une grille prédéfinie. Cette grille pourrait par exemple contenir les informations suivantes :
- Présence ou non de robinets thermostatiques sur les radiateurs
- Présence ou non d’un système de programmation du chauffage
- En cas de chaudière gaz, date d’installation postérieure ou antérieure à 2000
- Présence ou non de fenêtres simple vitrage
- Présence ou non d’isolation par l’intérieure des façades
- Présence ou non d’isolation par l’extérieur des façades
- Présence ou non d’isolation de la toiture
Cette grille permettrait, en plus de la mesure de performance énergétique du logement, de savoir s’il respecte certains critères minimums. Elle aurait l’avantage de ne pas prêter à caution, à la différence de la note de la performance énergétique, dont on sait qu’elle peut un peu varier en fonction du niveau de concentration du diagnostiqueur immobilier qui la calcule.
Et cette grille donnerait aussi la possibilité d’exiger des travaux de la part des propriétaires, avec un calendrier d’obligation connu et clair.
Ainsi, on éviterait de dire aux propriétaires français « votre logement doit avoir une note de E avant 2021 », ce qui est une obligation on ne peut plus floue, ou même de leur préciser cette obligation en leur disant « votre logement ne doit pas consommer plus de 330 kWh/m²/an », ce qui est finalement encore moins clair.
Grâce à cette grille factuelle et incontestable, on pourrait par exemple exiger pour tout logement mis à la vente ou à la location :
- A partir de 2021, que ses radiateurs soient équipés d’un robinet thermostatique (travaux assez peu chers)
- A partir de 2022, que sa chaudière gaz date d’après 2000 (travaux déjà un peu plus chers)
- A partir de 2023, que le chauffage soit équipé d’un système de programmation (travaux franchement pas donnés)
- A partir de 2024, que toutes les fenêtres soient en double vitrage (travaux chers)
- A partir de 2025, que le logement dispose d’une isolation par l’extérieur, ou par l’intérieur en cas d’impossibilité (attention travaux très chers)
Avec cette solution, on disposerait d’une base factuelle, non discutable, facile à comprendre par les français, pour contraindre les propriétaires bailleurs ou vendeurs à faire des travaux d’amélioration de leur logement. Et on s’évitera tout risque de bidouillage des DPE par les diagnostiqueurs immobiliers les moins scrupuleux : si vous avez du simple vitrage et que demandez à votre diagnostiqueur immobilier d’écrire que c’est du double vitrage pour ne pas être obligé de remplacer vos fenêtres, même nos confrères les plus magouilleurs refuseront, car c’est trop voyant !
Régis Andrieux Foundateur de Monser
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