Les couloirs du ministère de la Transition écologique et solidaire bruissent depuis quelques mois déjà de discussions sur la fiabilisation du DPE. Qu’est-ce qu’on entend par là ? A quoi ça sert ? Nous allons ici tenter de répondre à ces questions.
Pourquoi parle-t-on de fiabilisation du DPE ?
Pour ceux qui ne le savent pas encore, il est important de préciser d’emblée que l’ensemble des acteurs concernés s’accordent à dire que le DPE est malade. En effet, les attentes placées dans ce Diagnostic de Performance Energétique, créé en 2006, n’ont pas été comblées. Il avait plusieurs objectifs :
- Renseigner le gouvernement sur la performance énergétique des logements français, via l’alimentation par les diagnostiqueurs immobiliers d’une base de données contenant les résultats de leurs relevés
- Permettre à un potentiel acquéreur ou locataire de comparer le futur coût de chauffage de plusieurs biens en comparant leur DPE
- Encourager les propriétaires à faire des travaux d’isolation et de modernisation de leurs équipements de chauffage, en leur indiquant ce qu’ils ont à y gagner
Pour le dernier de ces objectifs, on peut se demander si les différents crédits d’impôts ou aides directes aux travaux d’isolation ne seraient pas responsables de 100% des travaux entrepris, et par soustraction l’apport des informations données par les DPE se situerait aux alentours de 0%.
Et pour les deux premiers objectifs, on peut dire qu’ils n’ont été que très partiellement atteints, voire pas du tout. En voici les raisons.
Les deux défauts majeurs du diagnostic de performance énergétique
La conception du DPE, et surtout ses méthodes de calcul, pâtissent de deux défauts. Avant d’aller plus loin dans cet article, nous vous conseillons d’aller plus loin dans notre site internet et de lire cet article sur les méthodes de calcul du diagnostic de performance énergétique. Après quoi, vous comprendrez mieux ce qui suit.
Le premier défaut, c’est que l’obligation de réaliser certains DPE « sur factures », c’est-à-dire en déterminant les notes d’un logement sur la base des factures de consommations d’énergie, fait que si on n’a pas de factures, il n’y a pas de DPE. Cela arrive évidemment souvent, car les locataires ou les propriétaires ne sont pas toujours enclins à s’occuper de retrouver leurs vieilles factures pour aider un diagnostiqueur immobilier.
En particulier à Paris, où le parc immobilier fait que la grande majorité des DPE y sont réalisés sur factures (pour rappel, c’est obligatoire pour les logements datant d’avant 1948 ou équipés d’un chauffage collectif), une grande partie des DPE sont dits vierges, c’est-à-dire qu’ils ne donnent aucune information sur la performance énergétique du bien objet du diagnostic immobilier. Avouez que c’est quand même dommage ! Voici une source abondante de détails sur le phénomène des dpe vierges.
La base de données créée par le gouvernement, alimentée par les diagnostiqueurs immobiliers qui y renseignent le résultat de chaque nouveau DPE réalisé, reçoit donc beaucoup d’informations qui n’en sont pas, ce qui fausse grandement les statistiques qu’on peut en tirer.
Le deuxième défaut concerne les DPE qui ne sont pas réalisés sur factures. Pour ceux-là, on doit lister avec précision et rigueur les caractéristiques du bien visité : son isolation, ses ouvrants, ses moyens de chauffage, l’orientation de chaque surface donnant sur l’extérieur, etc. Là où le bât blesse, c’est malheureusement au niveau du caractère « précis et rigoureux » des relevés effectués par les diagnostiqueurs immobiliers.
Sans vouloir jeter la pierre à la profession toute entière, les niveaux de connaissances et de rigueur exigés pour réaliser un DPE correctement (lorsque celui-ci n’est pas réalisé avec la méthode des factures) ne se trouvent tout simplement pas chez la majeure partie des diagnostiqueurs immobiliers.
Une des conséquences de cela, c’est une insatisfaction vis-à-vis du niveau de professionnalisme des diagnostiqueurs, mainte fois relayée dans des études comme celles d’UFC Que Choisir, qui s’amuse régulièrement à constater qu’on peut obtenir la note de B et celle de E pour le même logement, et que pour cela il suffit de demander à deux diagnostiqueurs immobiliers différents.
Une autre conséquence, c’est qu’encore une fois les statistiques collectées par le gouvernement ne servent pas à grand-chose, tant leur exactitude est sujette à caution.
Voilà pour les symptômes, assez sévères et qui permettent sans douter de revenir à notre point de départ : le DPE est malade.
Les solutions envisagées pour guérir le DPE
Le remède de cheval concocté en ce moment même par le gouvernement devrait se composer en gros des ingrédients suivants :
- Faire disparaitre les DPE vierges en faisant disparaitre les DPE sur factures : dorénavant, tous les diagnostics de performance énergétique se feront grâce à la méthode dite de « Calcul de la Consommation Conventionnelle des Logements » (ou 3CL), c’est-à-dire en listant les caractéristiques précises du bien
- Faire progresser la qualité des DPE réalisés, en améliorant cette méthode 3CL
Nous sommes tout à fait partants pour cette suppression des DPE sur factures. Cela nous évitera d’avoir à faire des demandes de documents parfois mal comprises par nos donneurs d’ordres, et surtout de fournir des DPE vierges, qui donnent malheureusement l’impression qu’on nous a payés pour ne rien faire. Encore une fois, en tant que diagnostiqueurs immobiliers parisiens, nous sommes particulièrement exposés à cette problématique du DPE vierge, qui nous force régulièrement à expliquer que nous avons fait notre travail bien que ça ne se voit pas.
C’est en ce qui concerne la deuxième mesure envisagée que tout devient plus compliqué. En effet les pistes habituellement explorées par le gouvernement pour améliorer les calculs de DPE sont :
- Rendre la méthode 3CL plus exacte en ajoutant des paramètres à prendre en compte. En théorie, le résultat est sensé être plus précis, mais en pratique ces nouveaux paramètres sont de nouvelles sources d’erreurs potentielles pour les diagnostiqueurs les moins concentrés
- Durcir les contrôles sur les connaissances des diagnostiqueurs. En théorie cela peut les faire progresser, en pratique ça leur permet uniquement d’être lucide sur le fait qu’ils ne sont pas des ingénieurs thermiciens, et qu’ils ne sont pas forcément capables de réaliser un DPE correctement.
A moins de forcer les 10 dernières promotions de polytechniciens à exercer dans le diagnostic immobilier, il nous semble donc qu’il est illusoire de penser que l’exactitude des DPE fournis pourra être réellement améliorée.
De notre point de vue, la solution est plutôt de simplifier grandement la méthode 3CL. Elle sera moins précise, moins proche de la réalité, mais au moins quand deux diagnostiqueurs réaliseront le DPE d’un même logement, ils aboutiront au même résultat. Les statistiques récoltées deviendront exploitables, les DPE de deux logements distincts deviendront comparables, et le DPE ne sera plus malade.
Une autre solution qui fonctionnerait bien, ce serait de faire réaliser les DPE par des spécialistes de la performance énergétique, c’est-à-dire des ingénieurs thermiciens. Ce sera beaucoup mieux fait, mais ce sera aussi beaucoup plus cher.
Régis Andrieux Foundateur de Monser
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